Existential Chris un farfouillis perso

Guide de survie dans la société moderne - Ma recette pour briller


Synthèse de ma réflexion

L'essentiel de ma réflexion est ici, le reste de ce texte développe les points de détails. Finalement, je l'ai écrit, cet article.

  1. Chaque personne est unique et a des aspirations, des rêves, des spécificités qui lui sont propres. Je pense qu'il est un devoir moral de s'accomplir et de s'épanouir dans ce qui fait notre particularité en tant qu'individu. À mon sens, chacun vivrait mieux en se rapprochant de ses aspirations profondes.

    Pour autant, en tant qu'être humain, notre comportement est soumis à notre environnement. C'est une réalité biologique que l'on ne peut pas dépasser même avec la plus grande volonté.
    Je vois la société moderne laisser une marque étrangère sur ma conscience qui tend à m'éloigner de mes aspirations profondes, et j'observe son fonctionnement à large échelle, sur l'ensemble de sa population.

  2. J'étudie le système industriel-technologique comme je le ferais d'un animal qui répond aux sollicitations de son environnement. J'observe comment il utilise la technologie pour s'immiscer dans le quotidien de chaque individu et le rendre dépendant à une volonté qui ne dépend plus de lui.

  3. Je suggère que le système a évolué pour minimiser la capacité d'attention et d'imagination de sa population afin de la rendre docile, facilement suggestible et apte à évoluer dans le cadre qu'il lui propose. En d'autres termes, je propose que la société moderne modèle sa population pour qu'elle soit satisfaite de ce qu'elle lui offre, sans regard pour ce dont chacun a besoin pour s'épanouir. Cela obéit à une logique de survie pour le système, qui a besoin de cette fondation pour perdurer dans le temps.

  4. Le système industriel-technologique est par nature hégémonique, c'est-à-dire qu'il va chercher à se diffuser le plus largement possible pour alimenter sa croissance. Pour durer dans le temps, il n'a pas d'autre choix que de contrôler sa population en la rendant dépendante de la technologie qu'il crée.

  5. Les médias, sous toutes leurs formes, sont les créateurs des codes du désir. Ils forment des fantasmes pour une démographie ciblée.

  6. L'être humain est naïf, et a besoin de conformité. Son désir est utilisé comme une arme. Le désir dépasse la conscience de l'Homme, et il détermine toute décision à sa place, même s'il a l'impression d'être maître de lui-même. L'influence du système sur l'être humain n'est en cela pas visible, car elle touche au désir. Une société désirable est une société docile.

  7. La technologie a remplacé l'imagination individuelle et collective. En brisant la capacité d'attention de l'individu, la technologie atrophie également son imaginaire et sa capacité d'introspection. L'imaginaire devient pénible à concevoir. Or, avec la technologie et la culture de l'image qu'elle véhicule, il n'y a plus besoin de générer le fantasme. Il n'y a pas de fantasme. La technologie donne l'ILLUSION du fantasme, qu'elle remplace.

  8. L'être humain devient par réflexe un consommateur, c'est-à-dire un acteur passif. Il prend l'habitude de suivre une direction dictée par une autorité extérieure : les médias. C'est la dictature de la voix passive. L'être humain ne se détermine plus, il ne crée qu'au travers des éléments qu'on lui donne. D'où le fait que la popularisation de la pornographie soit symptomatique de notre époque : on ne fuit plus la réalité vers le fantasme, c'est le fantasme (véhiculé par les médias) qui façonne la réalité. On préfère fuir vers la réalité, car l'imaginaire est devenu hostile. On préfère tuer l'imaginaire plutôt que le vivre.

  9. Cette impuissance de l'individu le conduit à perdre prise sur sa propre vie. Il perd également de vue ses aspirations personnelles, remplacées par les aspirations servant le système. Il est difficile de reconnaître l'étendue de l'influence du système en chacun tant l'être humain se conforme aux désirs portés par son entourage et son environnement, eux-mêmes modelés selon le système.

  10. L'individu est influencé par une volonté puissante et extérieure, dont les objectifs ne vont pas dans son sens. Le système tend à uniformiser sa population dans sa culture, ses codes, et sa façon de vivre le monde. Si l'individu ne s'en rend pas compte, il est possible de passer à côté de soi et de ne jamais s'accomplir en tant qu'être humain avec ses aspirations propres. La Société est un rouleau compresseur qui n'obéit qu'à elle-même.

  11. Pour s'accomplir, je propose un modèle d'hygiène technologique à suivre pour questionner son rapport à la technologie, et ses apports dans notre quotidien, afin que la technologie soit à notre service, et non pas l'inverse. À défaut de pouvoir transformer le système dans lequel on vit, il faut pouvoir vivre sainement dans ses codes et comprendre comment il conditionne notre vie.


Définition du système industriel-technologique

  1. Le système industriel-technologique moderne répond à des incitations qui vont diriger son développement. J'utilise le mot système comme un mot-valise pour définir toutes les organisations humaines vues à très large échelle, comme s'il s'agissait d'une entité à part entière. J'y inclus tout ce qui permet à son fonctionnement, ses entreprises, sa population, ses réseaux, ses moyens de communication, ses transports… Il s'applique à l'ensemble des sociétés dans les pays "développés".
  2. Le système n'a pas de volonté propre, il n'est pas dirigé. Il n'y a pas de grand méchant capitaliste œuvrant dans l'ombre, ou quelqu'un désirant quelque chose de la population. À la manière de la théorie de la sélection naturelle présentée dans l'Origine des Espèces de Darwin, il faut voir le système comme un être vivant qui ne fait que répondre à son environnement et aux incitations qui en découlent. Il n'a pas de libre-arbitre.
    Par exemple, dans un système où les expériences les plus désirées sont les plus chères, il devient naturel qu'il y ait une lutte générale pour être riche.

    Dans le monde animal où la moindre blessure peut signifier la mort par infection, il est naturel que les animaux ne combattent qu'en dernier recours. C'est une application simple d'un principe de rétroaction, c'est-à-dire que la conclusion influence l'action (le risque de mort est trop grand, donc je ne combats pas).

  3. Le système est le fruit des millions de personnes qui le constituent. Paradoxalement, chaque personne contribue individuellement à lui donner une direction chaque jour, mais l'impact de chacun est microscopique à l'échelle globale. La capacité réelle d'action de chaque individu sur le système est nulle. Chacun subit le système autant qu'il en fait partie.
  4. Le cœur du système, c'est le progrès. Une fois qu'une avancée (médicale, sociale, alimentaire…) est acquise, il est considéré injuste de revenir en arrière. L'être humain reste un animal avec des réflexes primitifs d'accumulation, des besoins de sécurité, des besoins sociaux dont il ne se sépare que s'il y est obligé.
    Par exemple, si l'on est capable de sauver un enfant d'un cancer, comment refuser de le soigner ? Comment accepter de n'en soigner qu'un, alors qu'on pourrait en soigner dix ? Toute avancée devient définitive. Ce qui était l'exploit d'hier devient avec les générations suivantes la normalité d'aujourd'hui. Il est acquis que c'est un point de départ pour la progression attendue.

    En cela est le caractère addictif de la technologie. Le "progrès" est attendu, souhaité, encouragé, normalisé.

  5. La propre du système industriel-technologique, c'est son caractère HÉGÉMONIQUE. Il tend à vouloir s'imposer partout, le plus largement possible.

    Comment refuser de vivre plus longtemps, en meilleure santé avec ses proches ?
    Comment refuser d'avoir mieux pour le même prix ?
    Comment imaginer autre chose que des rapports monnayés qui ont prouvé leur efficacité depuis des centaines d'années ?

    C'est là l'hégémonie du système. Il ne s'impose pas. Il devient INÉVITABLE car il prend en charge le confort du quotidien. Ses contreparties, elles, ne sont pas visibles au premier regard. Une fois qu'elles le sont clairement, il est déjà trop tard : aucun retour en arrière n'est possible.


En quoi le caractère addictif de la technologie est un mal ? Comment de telles avancées ne peuvent être autre chose que positives ?

  1. Toute technologie a une contrepartie négative aussi grande que ses possibilités positives. La technologie appliquée à la surveillance en est un bon exemple.

    Les acteurs étatiques ne peuvent pas ne pas utiliser tous les outils à leur disposition car leur incitation est de tendre vers la plus grande efficacité pour gouverner. Un État n'est pas raisonnable. Une société répond à ses besoins immédiats avec les outils à sa disposition. Ainsi, Internet est devenu en parallèle de ses avancées un outil de propagande, de surveillance, et de contrôle de masse. Plus l'outil est puissant, plus ses dérives seront aussi prodigieuses que ses avancées.

  2. De la même manière, la promesse d'origine de la voiture de masse était de permettre à chacun d'être autonome, d'aller plus loin, de gagner du temps.

    Elle a redessiné le monde en éclatant les villes et villages en leur permettant de s'étendre sur de plus longues distances, réduisant la gain de temps de trajet initial. Se véhiculer n'est plus un choix sur de telles distances : la voiture est devenue INDISPENSABLE. Tout a fini par se construire autour d'elle. Les villes, les activités, la culture. Là où l'Homme était libre de son déplacement piéton auparavant, où son quotidien pouvait être fait à pied, il devient forcé de se véhiculer pour vivre. Donc forcé de travailler pour s'acheter un véhicule pour aller travailler, acheter du carburant, l'entretenir, et rester un maillon du système.

    On peut arguer que d'autres moyens de transport existent - bus, train, vélo… - mais les infrastructures dominantes terrestres sont entièrement tournées vers la voiture ou toute autre alternative motorisée roulante, illustrant le degré de verrouillage que l'on a dans cette direction initiée par le modèle de la voiture. Les coûts du transport restent obligatoires dans la majorité des cas où un logement ne peut être trouvé à proximité du travail, de l'école, de la famille, des amis.

    Je n'affirme pas que la voiture n'a aucune application positive, mais que ses conséquences économiques, sociales, technologiques, sont importantes et que leur coût est passé sous silence.

  3. Les innovations de rupture du système industriel-technologique sont plus en plus importantes. La production massive de l'acier, le transport de masse, Internet, prochainement l'intelligence artificielle, à terme l'eugénisme semblent être un parcours tracé. Il me semble être une position difficilement tenable de refuser de prévenir des malformations chez des enfants encore en gestation lorsqu'on en est capable. Tant que nous n'en avons pas la capacité, l'éthique du refus de la manipulation génétique peut se cacher derrière une moralité douteuse, car facile affirmer tant qu'elle n'est pas mise à l'épreuve. Lorsque la possibilité sera là, ce verrou ne tiendra pas longtemps. Une fois que l'acte sera normalisé, pourquoi laisser à la chance la naissance d'enfants imparfaits quand on sait pouvoir atteindre l'optimum génétique leur garantissant un avenir ?

  4. Le système tire l'Homme dans son sillage en rendant toute alternative trop pénible pour être choisie sans effort d'adaptation important.
    Comme avec la diffusion de la voiture et d'Internet, la technologie s'impose au fil des générations dans notre quotidien. Son emprise se resserre au point où s'en passer devient synonyme d'exclusion. Ne pas avoir de smartphone aujourd'hui n'est pas impossible, mais demande un effort chaque jour pour accéder à l'ensemble des services numérisés. L'être humain tend toujours vers le chemin de facilité par efficience. C'est son incitation, et le système lui prodigue les moyens de faciliter son quotidien par la technologie. En observant cette situation de très haut, l'être humain n'a pas le choix que de se soumettre au système technologique dont les avancées sont trop séduisantes pour être refusées. C'est un faux choix individuel.


Comment se perpétue le système ? Un aparté sur le système éducatif

  1. Nous continuons avec l'analogie animale sur le modèle de Darwin. Pour se perpétuer, le système, pour se développer de façon optimale, a besoin de stabilité. C'est le propre de tout système que de chercher son équilibre au travers de différents moyens permettant de favoriser sa stabilité, et d'assurer sa reproduction.

  2. L'éducation est le moyen clé du système pour inculquer à l'enfant le plus tôt possible la discipline et le respect de l'autorité. Toute la base du système repose sur l'acceptation implicite d'une hiérarchie : la maître d'école sait, les enfants écoutent. Il doit être respecté pour son statut supérieur aux enfants. La notion hiérarchique fonde la grande majorité de l'organisation actuelle du système. Certaines personnes sont supérieures aux autres dans leur fonction, donc il est normal de leur obéir. On accepte cette façon qu'une autorité extérieure puisse dicter notre conduite et que son ordre soit final.

  3. L'éducation permet de fournir au système des travailleurs dociles, non-violents, stables, et qualifiés. Ils sont nécessaires à la perpétuation du système, donc une grande importance est donnée à l'éducation dans toutes les sociétés. L'éducation n'a pas vocation principale d'être utile ou efficace, mais de garder occupé les enfants jusqu'à leur majorité afin de libérer les parents du besoin de garder leurs enfants afin qu'ils puissent travailler. Une fois majeurs, ils seront aptes à leur tour à travailler. C'est une application de la notion de contrôle : l'important n'est pas le résultat - être éduqué -, mais le processus - garder actif dans un théâtre d'éducation -.
  4. Le système éducatif permet d'habituer les enfants au travail parce qu'il a été demandé. Il les habitue à travailler dans un système absurde qui ne doit pas être questionné. Dans le système éducatif commence la notion d'impuissance_ personnelle. Il conditionne à l'inaction et au fait de ne pas réfléchir pour soi-même, mais pour une autorité. L'élève doit être un simple exécutant dans l'espace qui lui a été désigné.

  5. C'est aussi le rôle des professeurs de faire rentrer dans le rang les éléments perturbateurs ou hors du moule attendu. C'est là la plus grande force du système éducatif : rendre normal de travailler pour travailler, parce qu'une autorité l'a demandé.
  6. L'incitation du système éducatif n'est pas dans l'efficacité_ de l'éducation. Il n'est pas récompensée pour cela. Tout est vu sous le prisme de l'autorité et des valeurs transmises, de la carrière professionnelle future. L'entreprise sera la prochaine autorité dans la vie de l'enfant. Les réformes successives du système éducatif seront systématiquement insuffisantes pour palier un verrou structurel du système, qui ne permet ni d'inculquer efficacement la connaissance aux jeunes, ni de les guider vers une voie qui leur corresponde.

    Le système éducatif n'a qu'une fonction de représentation de l'autorité. Il est là pour graver le plus tôt une façon de voir le monde, pour que toutes les expériences soient vues par défaut à travers ce prisme, et pas autrement. La majorité des personnes ne remettront pas d'elles-mêmes en question leur conception du monde.

  7. Il ne faut pas que les élèves soient bons en Maths, il faut que leurs notes soient bonnes. Dès qu'un indicateur de qualité devient un objectif, il cesse d'être un bon indicateur. Il suffit de changer la façon d'évaluer les élèves pour satisfaire le critère demandé sans avoir à améliorer les méthodes d'apprentissages.
  8. L'éducation a été retirée de la sphère familiale pour rentrer dans un seul programme monolithique obligatoire pour tous. Il ne pouvait pas en être autrement pour perpétuer le système qui recherche l'unité, donc une uniformisation de sa population. Il ne peut tolérer des identités régionales, familiales, fortes suffisamment fortes capables d'agir en contre-pouvoirs.

  9. On pourrait rétorquer que l'éducation obligatoire a fait grand bien aux enfants, qu'elle a permis de supprimer le travail des enfants, qu'elle a permis tous les progrès sociaux récents. Qu'il serait impensable de retourner en arrière dans une vie perçue comme "arriérée".

    Premièrement, comme tous les éléments débattus ici, le système éducatif a bien sûr des effets positifs, à la hauteur des effets négatifs. Ce qui est critiqué, c'est que l'éducation est le reflet du système qui la dirige, or elle pourrait en être autrement.

    Deuxièmement, ce mode de réflexion, c'est précisément la rhétorique du système industriel-technologique. Tout ce qui était avant est écrasé par le quotidien. Il n'existe qu'une seule voie : en avant.


Le système ne permet la diffusion que de ce qui lui est inoffensif, ou le réprime, ou le détourne à son avantage

  1. Tant que le système n'est pas prêt à laisser apparaître un courant de pensée, il le réprimera jusqu'à ce que les circonstances soit plus favorables ou que le courant de pensée, pour exister publiquement, s'intègre au système. Toute action radicale est réprouvée et combattue au nom des valeurs prônées par le système.
  2. Toute action inoffensive est encouragée. Prendre un ticket sur la liste d'attente pour apparaître sur les médias (TV, radio, presse, réseaux sociaux…) est précisément jouer de la façon dont le système pratique la diffusion de ses idées. C'est la garantie qu'aucune action radicale ne sera entreprise, car sinon le poids médiatique permettant sa visibilité la réprouvera avec la même violence. L'impact dans la société de cette visibilité est faible, et lent. Surtout, le narratif rentrera dans les attentes du système.
    Peu importe le fond ou la forme du propos, l'important est toujours la façon dont il est amené : des personnes seront sensibilisées à une cause en s'informant via les médias, ce qui va dans le sens du système.

  3. Par exemple, le courant féministe moderne (publique, débattu dans les instances de pouvoir, médiatisé) n'a pu apparaître qu'une fois que le système était prêt à le laisser apparaître. C'est le fruit des nombreuses années de luttes passées qui a permis d'atteindre le stade actuel et la visibilité de la lutte féministe, mais sa forme actuelle, même revendiquant une révolution, est inoffensive.
    À la façon du féminisme "libéral", se penser anti-système mais jouer selon ses règles est précisément en faire partie. Ne sera toléré que ce qui lui reste inoffensif structurellement. Une des grandes forces du système est de détourner les idéologies initialement contraires à sa direction pour les développer en son sens, et donner un moyen d'expression contrôlé aux contestataires.
  4. L'existence de groupe d'opposition au système n'est pas un contre-exemple de la répression du système. Le système n'a que faire de l'idéologie tant qu'elle accompagne sa direction. Au contraire, les groupes d'opposition sont une contrebalance nécessaire pour apaiser la frustration sociale et donner à la population un moyen d'expression d'une colère. C'est un outil pour apaiser la frustration. Tant que les actions des groupes d'opposition ne sont pas radicales, ou ne mettent pas en danger les fondamentaux du système, ils serviront un rôle dans la perpétuation du système.


L'individualisation générale

  1. L'éclatement du noyau familial et géographique est favorable à la Société technologique : quand chaque individu est isolé, quand les communautés d'antan disparaissent, il n'existe plus de contre-pouvoir autonome et capable d'une cohésion suffisante pour projeter de nouvelles idées. La technologie s'empresse de combler ce vide : la famille moderne ne peut exister qu'à travers ses moyens de communication. Les réseaux sociaux et les médias plus largement ont une place incontournable aujourd'hui dans le lien social, et contribuent à séparer les individus, à atomiser la société.
  2. C'est pourquoi les communautés religieuses sont un tel problème pour le système, car elles n'obéissent qu'à un pouvoir dont elle est totalement étrangère, et d'une autre époque. La religion, les traditions donnent une cohésion très forte à des groupes dont l'identité culturelle et ethnique revendiquée est un frein à l'uniformisation culturelle globale poussée par le société mondialisée. Éclater les familles, les régions, les langues vers un modèle universel, c'est réduire l'être humain à un seul modèle facilement contrôlable et calibré pour accepter l'autorité du système.

  3. Lorsque l'on parle d'un système à large échelle, je m'exprime en généralité, c'est-à-dire en une multitude influencée dans une direction. À l'échelle de chaque personne prise individuellement, la variabilité est énorme : certaines personnes se reconnaîtront dans certaines caractéristiques, d'autres non. La réduction de l'individu à un collectif fait perdre en nuance, et pour entrer en profondeur dans le sujet, demanderait de prendre des communautés au cas par cas, ce qui n'est pas l'objectif ici.


Propagande et réseaux sociaux

  1. L'être humain est sensible à la suggestion. C'est un processus sur lequel il n'a aucun contrôle. Par l'exposition répétée à certaines idées, elles prennent racine dans la population. Beaucoup de personnes se disent insensibles au marketing car elles ne se pensent pas intéressées par l'idée ou le produit en question. Sauf qu'elles viennent d'y réfléchir. Le marketing n'œuvre pas seulement dans un résultat (= l'achat, la fidélisation) mais aussi dans un processus (= habituer un consommateur à recevoir des suggestions) afin qu'une FAÇON de consommer prenne racine. C'est un procédé contre lequel l'être humain ne peut rien faire, autrement que ne pas être exposés à ces suggestions.
  2. Les médias sont spécialisés par génération. La presse, la télévision, les réseaux sociaux touchent une partie de la population différente. Au sein même d'un média, une grande segmentation existe et touche une cible précise.
    Chaque génération est en cela touchée par une doctrine de vie différente, opportuniste selon les intérêts immédiats ou passés du système.

  3. Un excellent moyen de garder une population obéissante est de la garder insatisfaite, en état de perpétuel désir pour quelque chose de nouveau sans que cela ne soit essentiel à son intégrité. Si la population est satisfaite, elle ne tolère pas le changement. En constant désir pour une nouvelle situation, un nouvel objet, un nouveau statut social, l'insatisfaction du moment est justifiée par le fait qu'elle sera réglée plus tard une fois le désir acquis. Ainsi, l'attention se porte ailleurs, sur un mouvement qui accompagne la direction du système industriel-technologique, notamment dans son besoin de consommation qui alimente sa croissance.
  4. Les réseaux sociaux ont parfaitement trouvés leur place dans le système industriel-technologique, d'où leur succès planétaire et la vitesse record de leur popularisation. C'est le signe qu'ils ont pris un rôle demandé par le système qui a permis et facilité leur diffusion, car l'outil allait dans son sens.
    Que la forme dominante des réseaux sociaux soit visuelles par l'image et la vidéo (YouTube, Instagram, Tiktok, Snapchat, Facebook…) est à nouveau naturelle. Il ne pouvait pas en être autrement, mais l'évidence ne se révèle qu'une fois qu'elle est accomplie.

  5. Ce que permettent les réseaux sociaux est multiple : ils ont cassé le rapport à l'imagination en montrant tout ce qui existe, à haute fréquence. On entre dans le domaine de la vitesse des interactions dans le système industriel-technologique, et comment elles impactent l'individu.


Qu'est-ce que la vitesse des interactions ?

  1. Je définis comme une interaction toute participation, active ou passive, avec l'ensemble des technologies de communication : les médias dont réseaux sociaux, emails, jeux, publicités…
    Quelques exemples :
    • Regarder une pub entre deux vidéos
    • Voir la notification d'un nouveau mail entrant
    • Regarder son téléphone
  2. La vitesse des interactions porte sur la fréquence et la quantité des interactions dans la vie quotidienne.

    Internet a augmenté la quantité d'informations reçues au cours d'une journée par la personne moyenne en augmentant la vitesse des interactions. Par l'omniprésence des médias dans le quotidien, la fréquence des interactions est extrêmement élevée, voire constante.

    Il n'y a plus de distinction entre notre vie réelle et le monde virtuel. Les deux ont fusionné.

  3. L'être humain est cognitivement limité dans sa capacité à traiter l'information.

    Plus on demande de l'attention à une personne, moins elle est capable d'en donner. À partir d'un point de saturation, plus il y a d'objets d'attention, plus la capacité d'attention disponible pour chacun de ces objets est réduite.

    En réaction, les objets d'attention diffusés par les médias raccourcissent ou se simplifient pour accomoder la capacité d'attention saturée des personnes. C'est simplement une réaction économique : si une méthode de communication voit ses retombées économiques baisser à cause de la baisse d'attention, les médias s'adaptent jusqu'à trouver un nouveau moyen de contourner le problème.

    La course au contenu le plus court est flagrante : l'émergence du feed algorithmique favorisant l'engagement, la popularisation de Tiktok sur des formats catchy et courts, les séries aux épisodes d'une minute hyper vitaminées, les livestreams chinois où des hôtes vendent des dizaines d'objets sur des systèmes d'enchères en direct en quelques secondes. Ce qui pouvait sembler extrême au départ se normalise au fil du temps.

  4. En répondant à une incitation marchande, c'est-à-dire en adaptant leur contenu pour être le plus largement consommable, les médias participent à priver l'individu de sa capacité de réflexion, et donc de sa capacité d'action propre.

    Si cela n'allait pas dans le sens du système, il réprimerait ce phénomène.

    Le succès moderne des franchises de super-héros est dans l'ère du temps. La vision binaire méchant / gentil convient à la simplification de la perception du monde. Il en va de même pour les séries visant une diffusion de masse conçues par les plateformes de streaming. Les réseaux sociaux encouragent la faiblesse d'opinion pour jouer sur la polarisation des opinions et favoriser l'engagement.

  5. Plus globalement, l'abondance du choix dans les objets de consommation, les destinations de vacances, les relations, les achats font que chacun d'entre eux a moins d'importance. Chaque situation souffrira de la comparaison avec celles passées, ou dans l'attente des prochaines. Cette personne moyenne a perdu une part importante de sa capacité à vivre aujourd'hui, car elle attend davantage comment demain pourra résoudre ses irritants actuels.


Tuer l'imagination pour la contrôler

  1. On vit dans la dictature de l'image. Tout est montré. Tout ce qui n'est pas montré n'existe pas.
    L'imagination se nourrit de l'absence d'activité, de la même façon que l'on encourage les enfants à jouer seul sans jouer pour stimuler leur imagination.

    La consommation excessive d'images vient fortement dégrader la capacité d'imagination de la personne moyenne.
    Il n'est pas nécessaire d'être un consommateur actif de médias pour être en excès d'images : la personne moyenne l'est quoi qu'elle fasse dans son quotidien. La quantité quotidienne moyenne de publicité, de notifications, d'émissions, de bouche-à-oreille chaque jour suffit à saturer l'attention, et donc la capacité d'imagination.

  2. La capacité d'imagination repose entièrement sur la capacité d'attention. Tuer l'attention, c'est empêcher la personne de pouvoir canaliser le temps suffisant pour penser à autre chose. Avec les médias modernes, la personne moyenne a déjà tout vu. Tous les lieux où elle n'ira pas, tous les rêves qu'elle n'accomplira pas, toutes les rencontres qu'elle ne fera pas.
    Quand tout est montré, il n'y a rien besoin d'imaginer.

    On entend des pratiquants réguliers des réseaux sociaux parler de leur difficulté à lire un livre. Tout ce système médiatique est conçu pour leur dérober leur attention avec des contenus toujours plus addictifs pensés pour contourner toute résistance biologique.
    Ils sont les victimes d'un système conçu pour les emprisonner dans une pratique.

  3. L'individu devient incapable de penser à autre chose que ce qu'il ne connaît déjà, parce que sa capacité d'attention et son imagination sont atrophiées. Il n'a plus besoin de s'en servir, car la technologie lui fournit une nouvelle imagination au travers de contenus visuels faibles en attention. C'est là le cœur du système : en tuant l'imagination individuelle, le système la remplace par une imagination collective. L'être humain en a besoin, et comble ce vide intérieur par la solution la plus simple à sa portée. Le système technologique fonctionne toujours selon cette méthode : retirer pour remplacer par une solution sous son contrôle.


Cas d'étude de la mort de l'imaginaire : la pornographie

  1. Un exemple remarquable de ce phénomène est la pornographie. Elle n'a jamais été aussi populaire qu'aujourd'hui avec Internet. Mais ce qui est intéressant, c'est comment son usage s'est banalisé et décomplexé. À nouveau, sa diffusion publique est la marque qu'elle répond à un besoin du système.

    On pourrait arguer que le fantasme sexuel apporté par la pornographie, dans son amplification, vient remplir un besoin d'échapper aux limitations du réel. Elle permettrait de vivre par procuration une situation qui n'existerait pas. Sauf que le propre du fantasme, c'est bien son aspect irréel et intangible. Ce n'est pas du tout ce qui se produit aujourd'hui.
    La pornographie n'est plus la fuite du réel vers le fantasme, mais précisément l'inverse : la fuite du fantasme vers le réel.

  2. La pornographie n'a jamais eu autant d'influence sur la sexualité de la population qu'aujourd'hui. La pornographie n'acte pas des fantasmes partagés par un ensemble de personnes, elle les crée de toute pièce. Une part de plus en plus importante de la population est devenue incapable d'imaginer autre chose que ce qui est montré : sans attention, l'effort est devenu trop grand. La pornographie apporte une solution idéale, rapide, puissante au besoin de fantasme sexuel dont l'autonomie individuelle a été détruite par le système. C'est un faux choix : l'imagination devenue pénible et insatisfaisante ne fait pas le poids face au média calibré pour plaire. La technologie a détruit l'imagination sexuelle pour la remplacer par une solution technologique. La pornographie est devenue un remplacement pour une imagination atrophiée.
  3. En cela, l'individu devient incapable d'imaginer ce qu'on ne lui montre pas. L'individu soumis à la pornographie devient incapable de concevoir son propre désir et prend goût à la facilité du remplacement. Ses désirs sont ceux de la pornographie. Il est impuissant à contrôler sa propre vie et se soumet à la vision du désir poussée par le système.

  4. La nature du fantasme, de l'orientation sexuelle, de la rareté de la pratique n'importe pas. Un désir "original" n'est la marque d'aucune identité personnelle propre qui pourrait distinguer l'individu de la personne moyenne : si l'on consomme de la pornographie, cette position ne tient pas. Tous les fantasmes sont observables sur le même site, hétéro ou gay ou violent ou soft. Le même média montre les milliers de facettes de la même médaille. Peu importe le fétiche : deux consommateurs de pornographie sont semblables. L'important est la façon dont ils consomment, pas ce qu'ils consomment.
  5. Pour illustrer autrement comme le fantasme s'invite dans la réalité, il est intéressant de noter le parallèle avec certains influenceurs sur les réseaux sociaux qui, pour se construire une image "rêvée" (c'est-à-dire chez autrui, ça n'a aucun lien avec de l'imagination), louent de faux véhicules / villas pour simuler un train de vie qu'ils n'ont pas. Ils ont pornographiés leur vie en incarnant un fantasme qui n'est pas le leur. Ces gens-là sont piégés dans le rêve de quelqu'un d'autre.

  6. En résumé : la conséquence de la pornographie, c'est la mort de l'imagination. Ce qui a déjà été vu dévore tout ce qui ne l'est pas encore. Impossible de penser à autre chose, dans la tyrannie de l'image et des médias. C'est la voie de facilité. Un cercle vicieux se crée : incapable de fantasme => retraite dans la réalité pour combler ce vide => pornographie => fantasme facile créé de toute pièce dévorant l'imaginaire.
    Accepter la pornographie, c'est accepter comment désirer.


L'Homme moderne est impuissant

  1. L'Homme moderne ne veut pas posséder de pouvoir sur sa propre existence. Il n'est pas intéressé par apprendre par lui-même et son indépendance d'esprit. Toujours dans un biais de facilité du quotidien, il est disponible pour que sa conduite soit dictée par la première autorité qui lui dira quoi faire, et quoi penser. Ici, il préfère déléguer la responsabilité de son quotidien à une autorité extérieure, l'État qui fait partie du système techno-industriel.
  2. Dans les sociétés mondialisées, l'être humain est habitué à être pris en charge par le système. C'est le système qui est responsable de sa vie en échange d'une maigre participation à son fonctionnement. Le seuil d'effort nécessaire pour avoir un minimum vital est très faible. Même la personne la plus limitée peut gagner un salaire dans un emploi qui ne lui demandera pas plus que de faire ce qu'on lui demande et se présenter à l'heure.

  3. L'influence du système industriel-technologique est silencieuse et ne s'observe pas directement si on ne la cherche pas. Elle est un entonnoir : elle donne l'illusion du choix, mais l'issue est déjà décidée. Chaque grain versé dans l'entonnoir du système aura eu l'impression d'avoir pu jouer dans l'espace qui lui était alloué, sans prendre conscience que l'issue est la même à chaque fois à partir du moment où l'on a accepté la FAÇON de vivre son rapport au monde, c'est-à-dire que ses désirs sont calibrés par les médias.
  4. Une fois la façon d'appréhender la réalité inculquée, l'Homme se réfère aux médias comme source de vérité. Si ce qu'on lui montre fait écho aux désirs qui lui ont déjà été suggérés, il peut y croire. La métacognition, la remise en question personnelle, le détachement des préconceptions n'est pas à la portée de la personne moyenne. Ce n'est pas non plus souhaité, car c'est un effort qui ne découle sur aucune récompense évidente et immédiate : par conséquent, il est préférable de rester sur des croyances simples permettant d'appréhender le monde. Ce n'est pas un jugement de valeur, mais une conséquence logique du réflexe d'efficience des comportements humains.

  5. La prédominance de l'information via des sources secondaires plutôt que des sources primaires est remarquable. Sur les réseaux sociaux, les anticapitalistes semblent tout connaître de la lutte des classes, mais probablement une infime minorité d'entre eux doit avoir lu Marx. Pourtant, ils sont tous convaincus d'être parfaitement informés au travers de sources secondaires, tertiaires, voire quaternaires qui prêtent des intentions à l'auteur du matériel original. En cela, ces personnes ne sont pas intéressées par comprendre l'auteur et se faire une opinion : elles sont à la recherche d'un narratif qui correspond à leurs croyances prédéfinies.
    Cette réflexion s'applique à toutes les formes de médias et d'idéologies.
  6. Une personne qui ne fait pas d'exercice physique est en déficit musculaire et devient physiquement limitée ; une personne qui n'aime pas ou n'a pas à réfléchir dans son quotidien devient incapable de se saisir de nuances.

  7. Dans nos sociétés mondialisées, l'individu utilise le savoir pour justifier son impuissance. Il est intéressant de noter combien l'individu moderne n'a jamais été autant informé de l'état du monde pour une emprise sur son quotidien la plus faible. La capacité d'action est la chasse gardée des forces de l'ordre, bras armé du système. Seuls eux ont le droit d'intervenir. L'individu est habitué à déléguer la résolution de tout problème aux forces de l'ordre, à l'entreprise ou à l'administration.
  8. La violence doit rester exclusive à l'État, qui fonde sa légitimité sur la force avec laquelle il peut faire plier l'individu qui ne se soumet pas à ses codes et à ses règles.

  9. La croyance que la violence n'a pas sa place dans la société moderne est le moyen de rendre l'individu impuissant en le reléguant à l'action indirecte par la communication de ses problèmes à l'autorité la plus proche. À nouveau, sa capacité d'action est déléguée à une autorité extérieure : il se soumet alors au jugement de cette autorité pour le bien-fondé de l'application de sa force. Elle n'est plus responsable des conséquences de ses actions, et n'a plus besoin de réfléchir à sa nécessité car il est pris en charge.
    Je ne fais pas l'apanage de la violence individuelle : je l'utilise comme exemple pour montrer comment aujourd'hui, l'individu ne peut plus intervenir par lui-même, et reste toujours soumis au jugement du système qui dicte sa conduite. La complexité des organisations modernes (État, entreprise, administration) fait que la responsabilité de l'action est diluée dans l'ensemble de l'organisation. L'individu est impuissant.


L'influence du système sur l'individu ne peut-elle pas être bénéfique ?

  1. Les intérêts de la Société ne sont pas ceux de l'individu. Le système n'agit qu'en son propre intérêt, il ne pense pas comme un homme mais comme un État. L'humain n'est qu'une ressource pour perpétuer son règne.

    L'être humain doit être rendu docile, obéissant, consommateur, éduqué, désireux, suggérable. Il doit accepter que tout doit être vu par le spectre d'une autorité extérieure inquestionable et toute-puissante, au point que la réalité vécue ne puisse plus être remise en question. Le système va pousser doucement l'individu dans un certain nombre de voies types, avec des valeurs qui lui sont utiles ou tolérables.

  2. Cette influence dessert profondément l'individu qui est éloigné de sa réalisation en tant que personne avec ses spécificités, ses rêves et ses aspirations propres. Là où chacun est différent, la Société va tendre à mouler d'une certain façon pour lisser les contours.
  3. Les personnes influencées par le système ne sont pas uniformes, loin de là. Simplement, leur façon de se construire, d'établir leurs repères, est identique. On ne parle pas du fond ou de la forme d'une personne, mais de comment ils se construisent.

  4. Certaines personnes ne voient pas de mal à être à la merci d'une volonté extérieure qui peut faire comme bon lui semble pour transformer leur quotidien. Nous disposons de suffisamment de recul sur l'incapacité des sociétés à ne pas dériver dans le temps pour savoir que même si aujourd'hui tout allait bien, il serait naïf de penser que ce sera toujours le cas. On ne tend pas le pistolet à un inconnu parce qu'il nous sourit.
    C'est une mentalité de prévention. Si la prévention est bien faite, ses conséquences sont invisibles et son utilité première est remise en question. On préfère toujours célébrer en héros le pompier plutôt que celui qui a arrêté le feu loin des yeux.
  5. La suggestion est invisible. Il est impossible de savoir si ses idées sont les siennes, ou si elles ont été soufflées par autrui. L'être humain est notoirement faillible dans le domaine de la mémoire. C'est le côté sournois du système : son influence ne se voit pas. C'est l'eau dans laquelle on baigne en tant que poissons. La population croit disposer de son libre-arbitre alors qu'elle est déjà conditionnée à choisir dans un terrain prédéfini.

  6. Vivre sans avoir conscience de la façon dont le système agit sur son quotidien, c'est être à la merci du système.
    Comprendre les leviers à l'œuvre, c'est gagner partiellement la possibilité d'accepter ou non de vivre les valeurs véhiculées par un système qui n'agit que dans son intéret mais détermine chaque facette du monde autour de nous. Ce n'est que partiel car il est impossible de comprendre toute l'étendue de l'influence du système techno-industriel.


Briser le lien entre le corps et l'esprit

  1. La société de services issue du système est dominée par le pan intellectuel. Il est intéressant de relever comment le quotidien va dans le sens de la passivité physique dans un quotidien de plus en plus inactif car "aidé" par la technologie, qui a privé l'Homme du besoin d'effort physique. Le corps est devenu superflu ; or, le corps a toujours été la capacité d'action. D'où son importance dans les forces de l'ordre et l'armée.
  2. Le corps a toujours complémenté l'esprit. Le ressenti instinctif brise le filtre intellectuel endoctriné par le système car il répond à l'intuition. Déconnecter l'esprit du corps, dominer le corps par l'intellect est important pour le système. Il subvient à ses besoins primitifs basiques en termes de nourriture, de confort, de sécurité, de sociabilisation. Le corps est pris en charge et n'a plus besoin de jouer son rôle dans la survie et l'intuition.

  3. Déconnecter le corps de l'esprit, c'est briser le lien de l'Homme aux plaisirs simples et à la Nature. Le dominer par l'esprit, c'est pouvoir le soumettre aux désirs créés et diffusés par le système : nourriture industrielle, bombardement médiatique, divertissements… Les plaisirs simples de la Nature, le chant des oiseaux, la sensation du vent sur la peau, le recueillement devant un paysage ne participent pas au système. C'est un plaisir intimement individuel qui ne produit rien, donc qui est superflu. Préserver l'environnement n'est pas dans l'intérêt du système qui peut continuer à déraciner davantage l'Homme de son milieu. Une fois l'Homme déraciné, il lui proposera un substitut technologique dont il deviendra dépendant.
  4. L'artificialisation des milieux de vie, notamment les métropoles bétonnées isole encore plus l'Homme de ses racines primitives. Cela favorise la vulnérabilité de l'individu au système qui suggère directement à l'intellect. L'artificialisation des milieux de vie centre l'Homme uniquement sur lui-même, incapable de percevoir autre chose de plus grand, ou de différent via ses cinq sens. Elle réduit sa perception et par conséquent sa capacité de réflexion.

  5. Il est intéressant d'observer comment la vue continue de s'imposer sur les autres sens. Tout doit être montré.
    Le goût des produits de l'agriculture et de l'élevage de masse perd de son goût ou la nourriture industrielle sature les papilles ; le toucher a perdu de son utilité, l'être humain moyen ne vivant plus que dans des atmosphères artificialisées, ne tolérant ni la pluie, le chaud, le froid ; l'audition reste sur sa fonction de communication, et la perte de la diversité de l'acoustique naturelle dans le monde du vivant continue de l'invisibiliser ; l'odorat dans les milieux artificialisés, parfums, déodorants est relégué à une fonction sociale.

    Réduire l'Homme à sa vue, c'est le réduire à une façon d'appréhender le monde. Maîtriser la communication visuelle, c'est contrôler la façon dont il se constitue.


Peut-on lutter contre le système ?

  1. Individuellement, l'homme ne vit pas assez longtemps et est trop changeant pour avoir une volonté claire contre une organisation à l'échelle et à la longévité du système industriel-technologique.
    Collectivement, il est à la merci de ses biais fondamentaux vers le confort, le besoin d'accomplissement, l'interaction sociale.

    Les transformations sociétales sont trop lentes pour être admissibles par l'esprit humain. À la fois car le système est une machine gigantesque dont chaque partie mobile doit bouger de son propre chef, et à la fois car il ne pourrait pas en être autrement pour ne pas froisser l'Homme dont la résistance au changement est toujours forte. Propager de nouveaux modèles de sociétés sur une durée suffisamment longue permet de rendre peu à peu acceptable l'intolérable d'hier. La transition sera douce, et surtout semblera naturelle. Les changements doivent sembler inévitables pour ne pas être questionnés.

  2. Le système est comme une hydre : couper une seule de ses têtes ne suffit pas car elle repoussera. Détruire les moyens de transports sans détruire l'industrie, c'est permettre leur réapparition à terme, et le status quo revenir. Passer du capitalisme à un autre système politique / économique n'endiguera pas sa diffusion, qui ne peut pas être contrôlée. La population n'abandonnera pas sa vie actuelle pour un confort en tout point inférieur au nom d'un risque futur, donc inexistant pour elle. Légiférer sur les usages de la technologie est impossible, car prendre du retard sur ses voisins est catastrophique pour un pays, qui ne vit pas pour une idéologie.
    Un effondrement total et brutal du système est le seul moyen de le détruire. Cependant, rien ne garantit qu'à terme il ne soit pas reproduit à l'identique depuis ses cendres
  3. Un système alternatif, pensé par l'être humain, est voué à l'échec sans détruire la technologie moderne.

    Les doctrines fondées sur la confiance ne tiennent pas dans le temps, car il suffit d'une seule personne avec un attrait pour le pouvoir pour bouleverser cet équilibre. Sur des dizaines d'années, ce n'est pas une question de si ces personnes vont naître, c'est une question de quand.

    Une dictature "pour le bien de tous" reste à la merci de la nature humaine. Même bien intentionnés, des monarques éclairés doivent se reposer pour des individus moins scrupuleux ou moralement droits pour gouverner. Des monarques éclairés sont mortels. La concentration du pouvoir attire toujours les individus avec un appétit pour. Même bien intentionnées, les convictions se transforment, se déforment, sont influencées, et les bonnes idées d'hier deviennent le cauchemar d'aujourd'hui.

    La seule solution est d'empêcher l'Homme de retrouver le degré de développement technologique actuel par son environnement. Vivre sans développement technologique ne doit pas être un choix, mais une obligation imposée par le milieu de vie. Si l'être humain a le choix, il choisira la facilité.


Comment retrouver une indépendance d'esprit ? Une capacité d'action ?

  1. C'est impossible. Le système industriel-technologique va continuer de resserrer son étreinte autour de l'Homme jusqu'à ce qu'il soit totalement dépendant de lui, sur tous les plans. Il détruira les vies et l'environnement aussi longtemps qu'elle existera car il est incapable de faire autrement. Le système technologique est par nature hégémonique. Il se diffuse partout où il le peut pour alimenter sa croissance. En cela, l'individu restera toujours soumis à son influence, car l'être humain n'est capable psychologiquement de faire face à une organisation de cette ampleur.
  2. Vouloir se libérer totalement des contraintes extérieures est un souhait vain. Nous sommes continuellement soumis à notre environnement de la même manière que le système évolue dans le sien. Toutefois, reconnaître les leviers à l'œuvre autour de soi est le premier moyen pour comprendre comment notre comportement peut s'être conformé à ce qui était attendu de nous. Une fois cette réalisation faite, on peut s'interroger si cette situation nous convient ou non.

  3. La mesure la plus concrète est d'adopter une hygiène de vie saine par rapport à son utilisation de la technologie. Cela doit être un choix informé plutôt qu'une activité "par défaut" encouragée par le système en place.

    Une hygiène technologique saine consiste à utiliser la technologie dans un but, et non pas pour combler un vide (par exemple, l'ennui).
    Si l'ouverture d'un téléphone, la consultation de l'actualité, le visionnage d'une vidéo a dès le départ une volonté affirmée, l'esprit critique est forcément mis à l'emploi pour faire le tri et écarter ce qui ne correspond pas à ce qui est attendu. La capacité d'attention est travaillée dans cet état d'esprit.

    Une personne "à la recherche de" divertissement erre sans but dans l'attente que quelque chose saisisse son attention. Sa capacité d'attention n'est pas utilisée, car elle attend de recevoir un objet d'attention que la satisfera. C'est la passivité qui prime : il n'est pas étonnant qu'il s'agisse précisément du mode de fonctionnement des feeds algorithmiques poussées par les réseaux sociaux. Un consommateur passif est impuissant, suggestible, et manipulable.

    Une personne qui souhaite "s'informer sur l'actualité" n'est pas à la recherche de compréhension du monde, elle est à la recherche d'un narratif qui lui expliquera quoi croire. Le succès des chaînes d'information 24h/24 est révélateur de cette pêche à l'information qui n'a aucun objectif concret, et qui est capable de piéger le spectateur longtemps. Nombre de personnes ont passé des années à éplucher chaque jour l'actualité mondiale, mais ne comprennent toujours pas mieux le sens des conflits.

  4. La personne moyenne est piégée par son environnement et son entourage. La capacité à développer et à vivre une indépendance d'esprit est inégalement répartie parmi la population. Même avec la volonté de s'affranchir des carcans sociaux, l'endoctrinement profond ne peut que difficilement être dépassé. Tout le monde n'est pas sur un terrain d'égalité pour réfléchir, mais tout le monde peut faire un pas dans cette direction.

    Il est intéressant de noter comment la passivité généralisée encouragée par la prise en charge de la population par les sociétés développées et la consommation massive de médias tend toute entière à développer une forme de laisser-aller délétère généralisé.

  5. C'est avant tout un choix personnel avec lequel il faut être en accord avec soi-même que chacun est libre de faire. Il n'y aucun mal à ne rien changer à sa consommation de technologie et de médias une fois même après avoir pris conscience de la façon dont elle peut influencer sa vie sans que l'on ne soit capable de s'en rendre compte.
  6. Contrôler la vitesse des interactions de son quotidien consiste à régulièrement :

    1. Faire un bilan de son temps d'écran et des usages auquel il est accordé sans se mentir
    2. Faire un point de situation de ses aspirations personnelles et ce qui est nécessaire à leur accomplissement. Dresser pour chacune d'entre elle une à deux actions concrètes pour avancer en ce but.
    3. Déterminer si les usages et le temps d'écran correspondent à ce que l'on souhaite pour soi.
    4. Ajuster son quotidien selon les conclusions de l'étape 3, afin que la technologie serve un but personnel, plutôt qu'être un trou noir infini d'attention. Trier ses activités, réduire voire supprimer les gouffres de temps s'ils ne correspondent pas ou plus à la personne que l'on est aujourd'hui. Dégager du temps pour de nouvelles activités ou non-activités.


Inspirations

  • Ted Kaczynski, Industrial Society and Its Future (1995)

    Personnage controversé, terroriste de son vivant au nom de son idéologie que le système industriel-technologique est une catastrophe pour l'humanité. La médiatisation de ses actes a été son moyen de diffuser ses idées, dont ce manifeste anti-technologie dont je partage de nombreux points communs dans la réflexion. Selon lui, la mort de quelques personnes n'était rien face à l'inéluctable qui détruira des milliards de personnes si rien n'est fait.

    Son texte est remarquablement clair, son focus se tournant plutôt vers l'idéologie progressiste qu'il diagnostique comme une affliction moderne issue de la privation de l'être humain de ses moyens d'accomplissement. Son anticipation des phénomènes modernes au moment où il a écrit le texte est brillante. Il prône une destruction totale du système technologique, pour revenir à un stade technologique qui ne dépasserait pas ce que plusieurs milliers d'habitants (= quelques villages) pourraient construire ensemble.
    Contrairement à lui, je ne pense pas que le système peut s'effondrer, donc je m'intéresse plutôt à comment bien vivre en son sein.

  • Edward Teach, Sadly Porn (2021)

    Auteur controversé. Un livre indescriptible écrit d'une façon ouvertement hostile, faite pour écrémer les lecteurs au fil de ses pages. Très difficile à lire et à comprendre, mais c'est l'oeuvre la plus incroyable que j'ai lue sur les rapports humains. L'auteur est aigri de l'être humain, ne croit pas en l'amour et démonte tous les jeux sociaux utilisés pour justifier les comportements.
    Je ne peux conseiller ce livre à personne. C'est une lecture absurdement difficile à suivre. Les notes de bas de page durent 15 pages. Le livre ouvre sur une fiction érotique de 30 pages pour illustrer un point de l'auteur sur la justification psychologique de l'adultère. L'auteur part en tangentes obsessives sur des détails semblants insignifiants de l'Histoire ou d'œuvres diverses.

    Il est clairvoyant sur les jeux sociaux pour justifier les incapacités d'actions derrière une raison, c'est-à-dire le savoir. L'opposition omnipotence (toute puissance) vs. omniscience (tout savoir) est un élément central de son œuvre. J'élargis son champ d'étude aux mécanismes de conditionnement sociétaux. Son développement est plus riche et détaillé que le mien, et sur une dynamique sociale encore différente. Mes réflexions sur la pornographie sont nourries par lui.

    Edward Teach est un nom d'emprunt, ce n'est pas très clair qui est derrière l'ouvrage. À ma connaissance, c'est également l'auteur derrière The Last Psychatrist, site qui n'est plus actif.

  • Sun & Steel, Yukio Mishima (1968)

    Personnage controversé. Intellectuel japonais avec un nationalisme profond. D'abord auteur littéraire ayant rencontré le succès, il a embrassé le bodybuilding dans sa vie. Dans cette œuvre, il fait lien entre muscles et philosophie, qui n'est pas évident. Son travail est profondément introspectif. Selon lui, la société place trop d'emphase sur l'intellectualité. Il pensait qu'en tant qu'auteur ses mots sont abstraits, là où le physique est ancré dans la réalité. En cela, le corps et l'abstrait, entraînés ensemble, se complètent pour atteindre une forme plus grande de dépassement de soi.

    Mishima pensait que la véritable satisfaction venait de ce lien entre penser et faire. Pour que ses mots aient la moindre importance, il faut les vivre soi-même. Pour Mishima, les mots lui sont venus en premier, il accueille cette nouvelle sagesse comme une nouvelle langue : le langage de la chair.

    Le corps-esprit est capable de sa propre logique. Comprendre ses limites, ses capacités, sa fatigue est une connaissance de soi ressentie, non apprise. Avec ce savoir incarné, c'est une sagesse pratique, concrète, qui se développe autour de ce qui fonctionne et ce qui ne fonctionne pas.
    Quiconque atteint un certain niveau en musculation apprend à aimer la douleur qu'elle apporte. C'est un test de résistance, de force, de volonté. Mishima pense que la douleur est utile, car elle révèle nos faiblesses et notre vulnérabilité. Elle nous force à nous connaître et à nous comprendre, car elle révèle ce qui nous constitue profondément. Chacun peut se voiler la face tant qu'il n'a pas réellement souffert. La douleur forme à la conscience de soi et à l'introspection.

    Je pense que l'équilibre en tout est l'un des plus grands buts à atteindre pour bien vivre : le développement du corps comme de l'esprit en fait partie. Se confronter au réel et à soi-même me semble souvent manquer parmi les personnes autour de moi. S'ancrer dans le réel, proposer des actions réalisables, être en mouvement me semble être difficile dans mon entourage. J'observe beaucoup d'insatisfactions autour de moi, mais sans propositions pour les résoudre, ou avec des propositions inutiles car de purs exercices de pensée. Sagesse parentale : "La tête et les jambes".


FAQ

L'auteur a-t-il un problème avec l'autorité ?

Je ne suis pas anarchiste et je n'ai pas de problème avec l'autorité. Si le sujet vous a traversé l'esprit, c'est peut-être reflet d'un conditionnement à l'autorité. Tout ce qui la rejette entre par défaut dans l'extrémisme, alors que c'est une position comme une autre (qui je l'admets, est souvent adoptée par des personnes aux idées que je trouve souvent moi-même douteuses).


Si le système n'a pas de volonté propre, comment expliquer que l'ensemble d'une population se comporte de la même façon si personne ne la force à se comporter ainsi ?

L'analyse des phénomènes de foules est intéressant pour sentir le sujet. C'est une combinaison de mimétisme social, de culture commune à différentes échelles, de modes.
Fouloscopie sur YouTube a une vidéo intéressante sur le sujet, qui expliquera certains mécanismes bien mieux que moi.


Est-ce un mal de se laisser porter par les rêves du système si l'on vit mieux avec ces nouveaux rêves qu'avant ?

À ce jeu-là, peut-être qu'il voudrait donner tout son argent à la société pour qu'elle le dépense à sa place, pour son propre bien.


Est-ce vraiment la pornographie qui façonne les pratiques sexuelles ou l'inverse ?

La consommation de pornographie n'a JAMAIS été aussi élevée qu'aujourd'hui dû à Internet. Et sa consommation commence dès la primaire maintenant. Le mot "consommation" utilisé maintenant décrire l'exposition à la pornographie est intéressant, et range la pornographie au rang de besoin au même titre que manger ou se divertir.

Est-ce que ça voudrait dire que l'Homme moderne baise beaucoup plus que ses ancêtres ? À la vue de l'Histoire et du nombre de bordels à toutes les époques, j'en doute.

Est-ce que ça voudrait dire que l'augmentation de l'utilisation de la pornographie est symptomatique d'un manque d'intimité physique et qu'elle vient combler ce vide laissé par l'éclatement des communautés ?
Peut-être.

Néanmoins, les statistiques des pratiques sexuelles montrent bien le lien entre pornographie et certaines pratiques "nouvelles" à la mode dans les contenus pornographiques, ou les médias en général. Cela s'applique à aujourd'hui autant que par tranche passée de 10 ans depuis l'apparition de la télévision.


Quelle est la vision personnelle de l'auteur ?

Je pense l'être humain moralement faible et influençable. Notre force en tant qu'Homme vient de notre masse tout ensemble qui vient lisser les imperfections de chacun. Contrôler la masse, c'est contrôler l'Homme individuellement.

Je ne me considère pas pessimiste, mais réaliste. Si l'être humain à une incitation profonde vers la facilité, une masse d'être humain se définira toujours pas rapport à ça. Le collectif est la moyenne de ses individus. Je pense qu'il s'agit d'une problématique d'échelle. La taille de nos sociétés modernes ne permet plus à l'individu de trouver du sens et de l'impact dans ses quotidiens. La prévalence des affections mentales dans les sociétés "développées" par rapport aux pays en voie de "développement" en est un des signes les plus significatifs. Dans la perte de sens individuelle, la perte de sens du collectif, le déracinement à notre environnement primitif, les besoins de survie sont satisfaits, mais pas les besoins fondamentaux de sens et de contrôle sur nos vies.

Je ne trouve pas de noblesse particulière à la vie humaine par rapport au reste de la nature, nous ne sommes qu'une espèce parmi d'autres. Le jusqu'au-boutisme de la sacralisation de la vie humaine me semble également la source de nombreuses dérives et négligences concernant le monde du vivant autour de nous. J'accorde beaucoup d'importance au monde du vivant et à notre place au milieu de celui-ci.

À mon sens, c'est un devoir moral que de cultiver ce qui nous rend unique, et d'exploiter les dons qui nous sont propres. Ne pas se laisser détourner de son chemin et de soi-même. Vivre ses rêves.

J'accorde la plus grande importance dans ma vie personnelle et mes relations à l'indépendance d'esprit. C'est à mon sens la garantie du travail constant de l'alignement de l'individu avec ses valeurs. Une personne indépendante d'esprit qui déclare quelque chose est la garantie que cette chose est réfléchie et vraie. C'est un gage de confiance.
Sans indépendance d'esprit, l'individu est soumis à son environnement. Il n'est qu'une façade au travers de laquelle son milieu s'exprime. C'est une boisson diluée dans plus ou moins d'eau : j'ai envie de goûter à la richesse d'origine, dont je peux sentir le potentiel.

J'ai d'importants biais personnels qui s'expriment au travers de cette pièce. J'ai naturellement une forte indépendance personnelle poussée par des spécificités intellectuelles propres. Ces dernières m'ont obligées à affirmer cette indépendance sans quoi j'aurais souffert de ma propre existence, ce qui a été le cas.
Mes spécificités intellectuelles et ma façon de vivre les choses (cf. Anatomie d'un cerveau tout en vitesse) font que je ressens pleinement mon propre développement personnel, et je peux observer celui des personnes autour de moi. Leurs gestes et leurs paroles les trahissent. J'ai une idée de ce dont elles ont besoin pour grandir : dans la grande majorité des cas, une plus grande indépendance d'esprit me semblerait leur permettre de se recentrer sur elles-mêmes, de comprendre ce dont elles ont besoin, et inconsciemment leur vie s'alignerait naturellement avec leur bien-être une fois la réalisation faite. On ne peut rien apprendre à qui que ce soit, les leçons doivent être apprises soi-même.

À mon sens, il faut avant tout bien vivre. Je n'ai pas de moteur idéologique qui dépasse l'individu et demande un sacrifice personnel. Je ne serai jamais un terroriste au nom de mes idées. Si tout le monde était comme moi, le monde ne changerait pas. Chacun vit sa vie à sa façon, quelles que soient ses valeurs. Je n'ai aucun jugement à porter sur l'existence de chacun, ce qui ne m'empêche pas de les observer avec curiosité. Le monde est complexe.


Le système penche-t-il vers une dérive totalitaire ?

Un système à large échelle n'est pas bienveillant. Si l'Homme a un outil à sa disposition, il va s'en servir. Nous vivons aujourd'hui dans une économie extrême de l'attention sur tous les médias qui s'arrachent notre temps de cerveau. Tout ne tourne qu'autour de la publicité et du marketing.

Entre une dictature et une démocratie, le résultat est le même : la technologie est utilisée comme outil de surveillance et de contrôle de masse de la population. Elle s'immisce dans la vie privée de chacun. Les gens ne sont pas gênés par ce contrôle car ils ne peuvent pas le toucher dans leur quotidien. S'ils étaient suivi en permanence par une équipe de cinq caméramen chez eux, ça serait une tout autre histoire.

La technologie à son habitude est le bras armé du contrôle. Les publicitaires et les gouvernements veulent construire un profil de chaque personne pour que chacun soit parfaitement catégorisé, identifiable, maîtrisable. Ces données, une fois créées, ne disparaîtront plus. Elles seront en attente de la prochaine dérive totalitaire ou de surveillance de masse qui continuera à avancer dans nos vies.

En ce sens, je pense en effet que des formes de contrôle totalitaire se diffusent, sans pour autant que les sociétés le soient. Cependant, cela pose les bases d'un contrôle puissant de la société si un régime réellement totalitaire devait prendre le pouvoir, ce qui est un risque énorme.


Quelle serait une alternative éducative souhaitable pour l'être humain ?

On entre dans le domaine de l'éthique, donc naturellement, tout est opinion.

J'ai un biais énorme sur le fait d'accepter les spécificités personnelles humaines et de développer son potentiel propre, car c'est là que je trouve ma richesse et mes difficultés. Or, ce n'est pas le cas de tout le monde. Également, j'ai souffert du système scolaire, donc je l'observe d'un point de vue négatif sans nier tout ce qu'il m'a inculqué et comment il m'a permis de m'intégrer en société.

Peut-être que le système éducatif actuel, qui vient borner les élèves, leur poser un cadre autoritaire, est en réalité souhaitable et le fruit d'une longue sélection naturelle également. Il est fortement probable que la part majoritaire de la population s'épanouisse mieux dans un système fermé où on lui dit quoi faire, plutôt qu'une utopie éducative permettant le développement de soi, chacun à son échelle, mais au prix d'une liberté qui peut être anxiogène. Je pense que tout le monde n'est pas capable de se diriger soi-même, mais qu'un milieu serait souhaitable pour permettre à ces personnes en manque d'indépendance de soi d'avoir un minimum souhaitable pour mieux vivre.

Je reste dans une grande abstraction car je sais que de tels systèmes de se pensent pas, ils se bâtissent au fil du temps. Ils sont trop complexes pour être tenus avec toutes leurs subtilités dans un seul esprit. Également, la création de ce genre d'abstractions ne m'intéresse pas.