Existential Chris un farfouillis perso

Rétrospective 2025

Un regard en arrière sur 2025 touche bientôt à sa fin.

Si 2024 était l'année du Big Bang, celle de la destruction et du chaos, 2025 fut celle du Printemps, du renouveau et du changement. La perte d'un être cher, un changement de vie plus tard, et j'ai l'impression d'avoir une seconde vie bonus.

Le blog

J'ai écrit de temps en temps pour publier, quand l'envie m'en prenait. Je ne sais pas encore la direction que doit prendre mon site : quelque chose de purement personnel, sans attente extérieure mais avec la question "Qui va lire ça ?" ; une vitrine de mes quelques maigres projets d'écriture ; parfois des synthèses de mes recherches, préoccupations.

J'ai déjà ma réponse, mais je me demande quand même "Qui va lire ça ?" alors que je ne cherche pas à avoir une audience.

Quand j'ai commencé mon site, je n'avais pas vraiment d'ambition pour lui, c'était plus une façon d'aller jusqu'au bout d'un projet pour bien faire les choses, comme mettre une porcelaine en valeur sur une étagère.
J'avais peur de partager ce que j'avais écrit, parce que "Qui veut lire ça ?" sans savoir vraiment où commence le voyeurisme. Pour qu'un texte soit beau, il faut qu'il soit sincère, et les vérités sont souvent intimes ; quand on a un regard perçant sur soi, la question est plutôt à quelle profondeur de vérité on s'arrête pour aujourd'hui.
Finalement, je me surprends à envoyer Existential Chris quand je reprends contact avec des personnes dont je n'ai pas de nouvelles depuis plus de 10 ans, quand je crée un contact avec des inconnus, que parfois je partage un ou deux articles comme des outils tout prêts pour présenter mon regard sur les choses. C'est drôle, l'effet que ça a. Je vois que ça crée du lien, et que l'intimité que je redoutais, au contraire, rend les gens proches de moi, les rassure peut-être un peu. Ça fait un pont entre eux et moi, et je pense qu'ils deviennent plus à même de sentir mes contours, et comprendre ma nature.

C'est un sentiment très doux, comme impression. Il n'y a pas besoin de mots, je le vois simplement. Parfois on discute de ce que j'ai écrit, quand quelque chose accroche. C'est peut-être le plus gratifiant dans tout ça. Sans bruit, je me suis attaché à mon site : j'aimerais le rendre visuellement plus personnel, que ça me ressemble un peu plus.

Pour autant, j'ai l'impression de n'être capable de parler que de moi, et j'aimerais qu'il en soit autrement. On arrive au grand ennemi de cette époque :

Mes attentes

L'arch-nemesis. Que quelqu'un tue mes attentes pour de bon, tout mon malheur vient d'elles.

Le bonheur, c'est la vie moins les attentes.
Quelqu'un

Je les reconnais comme l'ennemi à abattre n°1 pour avancer : les attentes tuent mes idées, les attentes me plongent dans la détresse de ce qui ne sera pas, les attentes me frustrent car elles sont INFINIES.

L'insatisfaction chronique est mon moteur le plus puissant, je peux toujours aller un peu plus loin, c'est ce qui nourrit ma pratique, c'est ce qui me pousse à toujours progresser, à m'adapter, à comprendre un peu mieux. Le problème, c'est que le truc est un tracteur et que si je ne marche pas au pas, elle me traîne à genoux sur le bitume sans regard en arrière : ça fait mal aux genoux.
Le couple moteur est aussi grand que le prix à payer pour le tracteur, et je continue à négocier pour ne pas avoir à faire un prêt sur mon sourire.

C'est ma plus grande bénédiction et malédiction : ça n'est pas prêt de partir, je crois que ça fait partie des murs donc on va continuer à financer l'essence.

Les attentes m'amènent à :

Stanley

Cette histoire qui traîne, et dont je ne sais pas quoi faire. Je dois la faire pour moi-même, je sens une vertu thérapeutique à explorer mes parts obscures qui ont tristement gagné du terrain cette année.

J'ai commencé à écrire régulièrement en août, mais j'ai perdu le mois d'octobre qui a été un trou noir. En reprenant il y a quelques jours des textes corrigés les mois d'avant à retaper sur l'ordinateur, je n'ai pas aimé ce que j'ai lu, j'ai trouvé ça pauvre. Pourtant, au moment où je les ai corrigées, j'aimais ce que j'avais fait.
Ma propre inconstance est difficile à maîtriser, je ne sais pas encore où tracer la limite entre ce qui est réellement à écarter et ce qui est juste un mouvement de pendule temporaire. J'ai ce problème dans la vie aussi, qui me pousse à avoir un délai de réaction face à tout pour éviter de cracher du magma et avoir le temps d'avoir une moyenne de moi-même pour me représenter le mieux possible : attention à qui m'aura spontané.

Ce que j'écris ne ressemble à rien, je voulais un récit, je voulais une construction, je voulais de la complexité, et ça n'est rien de tout ça. Je ne sais pas ce que c'est.
C'est étrange comment je n'arrive pas à me détacher de ce qu'on pourra penser de mon texte, alors que je ne sais même pas encore si qui que ce soit le lira à part moi dans cette vie. Je crois que j'arriverais à être content de ces mots et de leurs imperfections, dans la détresse sincère, et tristement simple qu'ils posent. Je dois accepter de n'être "que ça", en ce moment. C'est mon reflet.

"Pour ce qui est de la méthode, elle est certes une chose indispensable, le mieux cependant est de la porter sans cravate ni bretelles, mais en négligé, en déshabillé, comme qui ne s'inquiète ni de la voisine d'en face ni du commissaire du quartier. C'est comme l'éloquence, il en est une spontanée et vibrante, d'un art naturel et enchanteur - et une autre empesée, amidonnée, sans âme."

Machado de Assis, Bràs Cubas.
Sur la méthode et la façon d'écrire. Ne pas se formaliser des principes pour s'exprimer librement.

Le chant des vagues sur les rochers

Le luxe de pouvoir m'auto-citer en juin 2024, toujours d'actualité :

J'ai l'intuition profonde que ma paix n'aura rien d'un océan calme, mais aura la poésie d'un orage dont les vents chanteront une symphonie qui accompagnera les vagues en fracas sur les rochers. J'ai peur de mon propre feu, je continue d'ouvrir la valve peu à peu, mais ce besoin ne désemplit pas. J'ai l'impression que la faim me consumera toute entière, mais que je mangerai quand même jusqu'à l'écœurement. Je ne sais pas quoi faire de ces vents qui m'agitent en des sens contraires et de mon désir comme une lance au milieu du champ de bataille. Mon engagement est total et absolu dans cette immensité qui me dévore.
Mon âme déchaînée sous kaléidoscope | Existential Chris

J'ai commencé à comprendre que je n'ai pas à choisir entre mes désirs contraires. Une combinaison de moi, et du Steppenwolf d'Hermann Hesse : j'apprends à vivre que quoi que je fasse, mon cœur ne sera jamais satisfait. Je n'ai pas à arbitrer, je n'ai pas à choisir une ligne directrice de peur qu'on ne puisse pas me suivre. Les vents souffleront dans un sens, puis dans l'autre la minute d'après : c'est moi.

Le désinhibition de ma conscience continue peu à peu : j'apprends à affirmer les vents contraires. Ça me rend incisif sur ce que je veux, et je sais que j'approche de la coupe franche pour trancher dans ma vie.
Je pense que la démoralisation que je ressentais avant venait d'un grand sentiment d'impuissance : si la vie ne laissait pas à portée de bras une opportunité, la vision de cette distance me pesait beaucoup et semblait insurmontable. Je voulais retrouver une capacité d'action, et beaucoup de travail a été fait de ce côté-là.

Je me sens mieux et je me suis surpris sur beaucoup de choses cette année, dans le bon sens. Je suis content de moi.

L'aspect social

Je continue à me sentir à l'étroit sans savoir où trouver ce que je recherche. J'ai l'impression d'avoir besoin de contact sans parvenir à supporter le bruit, les échanges, le paraître. Ça me rend agressif, je paye les bars et les évènements les deux jours qui suivent à chaque fois en étant misérable, et je commence à arrêter de faire semblant. C'est là que je me tourne sinistrement vers ma mère qui rentre à 21h00 quand elle sort entre amis le soir. Je sais qu'elle va avoir ce petit ricanement en lisant ça.

Je continue à garder de la distance avec les gens de mon âge, la parole est tellement plus facile avec des personnes plus âgées que moi. Je pense que c'est cette tranquillité installée que je recherche avec l'âge : le besoin de prouver, l'intensité du jeu social, et la superficialité de vie sont beaucoup moins fortes, par la force des choses. La vie a eu le temps de donner, et de prendre.

Paradoxalement, je me suis découvert social, je suis obligé de l'admettre par l'accumulation des preuves quand je me suis toujours réfléchi l'inverse et difficilement approchable. Ça change totalement la perspective que j'avais de moi-même. Le contact est facile, je vois que tout le monde m'apprécie, mais j'ai besoin du bon environnement pour m'exprimer. Je suis toujours autant un handicapé en groupe, et un tueur en face-à-face.
J'ai retrouvé beaucoup de lumière cette année, et je me vois briller involontairement sur des proches : il y a des sourires dont je me souviendrai longtemps.

Je ne me reconnais plus dans certaines personnes de mon entourage ; d'autres très belles rencontres sont apparues par surprise ; une déception immense continue à suivre son cours sans savoir où elle m'amène.

La vie suit son cours

Je reste préoccupé par le fait que la vie avance sans cesse, que la vie, c'est maintenant.
Le retour au célibat ne heurte pas en soi mais questionne toujours en voyant son entourage avancer amoureusement. Je n'ai pas l'habitude d'être "en retard", et l'empressement que ça me laisse est amer tant il est maladroit mais bien concret. Je n'aime pas admettre que je souffre de voir de belles femmes autour de moi, mais c'est la vérité ; l'absence viscérale que je ressens me laisse comme une trace rémanente sur ma peau. Accepter mes vents contraires intensifie, pour le pire, ce ressenti.

La solitude

J'ai relu mon tout premier texte en 2021, sur la solitude : Être moi-même, c'est être seul. | Existential Chris

Je trouve encore le texte très beau, viscéral dans son intensité et difficile à lire tant il est lourd dans son abattement.
Le fond reste là, je continue de m'y reconnaître, mais le vécu qui en découle a beaucoup évolué.

Le plus grand changement, je pense, a trait au fait que l'on me comprenne ou non : ça n'a plus tant d'importance. Je pense qu'un grand responsable des maux modernes est le romantisme, dont je découvre peu à peu l'étendue de l'influence dans les relations amoureuses comme amicales. L'idée qu'une personne idéale existe sur Terre pour soi, qui nous comprendra parfaitement naturellement, qui nous acceptera tel que l'on est sans effort, que la rencontrer soit une évidence…

J'accepte que si l'on se comprend à 60% avec quelqu'un, c'est normal et déjà très bien ; c'est normal d'être déphasé sur plein de choses. Je ne vois plus ça comme un défaut de relation par rapport à un idéal de compréhension parfaite qui serait au sommet de la pyramide ; je les range maintenant plutôt côte à côte, comme différents systèmes avec différents avantages. Je ne suis même plus sûr qu'une compréhension parfaite et fusionnelle soit souhaitable. Les erreurs, les incompréhensions et les difficultés sont autant d'occasions de montrer l'étendue de son affection et sa volonté d'avancer ensemble.
En cela, si l'on accepte que tout ne pourra pas être compris, se pose la question de si tout doit être dit. Cette part d'ombre semble inévitable, et peut-être également souhaitable pour trouver un équilibre. La transparence totale entre deux personnes ressemble à un extrême, et tout extrême est nocif par nature. À accepter des non-dits on ménage une part intime qui permet de s'explorer soi sans subir un besoin d'informer l'autre devenu réflexe, et qui viendra inévitablement brider l'exploration à cause d'un regard extérieur, même bienveillant, qui viendra se poser dessus. C'est un pièce à soi où cultiver ses pensées secrètes dans le respect de l'autre : leur existence est connue, mais leurs contours resteront obscurs. 98% de transparence, 2% de non-dits ? 90%/10% ? Je ne sais pas encore où mettre ce cran, surtout que je ressens encore l'appel du 0% de non-dits.
Pour cela, je regarde avec beaucoup de circonspection la volonté de transparence totale dans certains couples : je pense que l'on pourrait vivre un peu mieux en étant moins absolutistes sur le concept très probablement hérité du romantisme où la fusion des esprits doit être magnifico-giga-absolu-ma-moitié.

En fait, j'accepte peu à peu la complexité de la vie et son bordel qui appelle à avoir de la flexibilité morale pour s'adapter au présent. Les règles sont trop rigides, les valeurs aussi ; tout demande à être vécu sur l'instant, il n'y a pas de principe directeur qui puisse s'appliquer partout.
C'est l'acceptation de la subjectivité de la vie et qu'il faut célébrer ça avec un petit peu de souplesse. Ça va à l'encontre d'une envie de transparence, mais la vie n'est pas propre, ni nette. J'accepte d'être aussi faillible que la vie est désordonnée et part dans tous les sens. J'accepte que certaines choses n'ont pas forcément de logique : je peux dire quelque chose, et en faire une autre. Ça arrive.

On m'a demandé ce qui était ma plus grande qualité pour moi envers moi-même, j'ai répondu la lucidité mais en rétrospective, je pense que c'est plutôt ma capacité d'évolution : je m'adapterai à tout ce qu'on m'envoie, à part si on m'envoie en boîte.

La guerre contre les dogmes

Je suis toujours en batailles contre les dogmes de société, quels qu'ils soient. Je reviens toujours au fait que chacun devrait faire ses choix à son échelle sans trop se préoccuper de ce qui est demandé par une espèce de puissance invisible et supérieure. Obéir à un grand principe très populaire ou des valeurs bien courantes est probablement un choix de facilité sans que ça ne soit l'issue la plus judicieuse pour soi.
Toute organisation (pays, entreprise, famille…) pense à elle-même d'abord.

Et pour 2026 ?

Ma situation est "prévue" : je devrais rester où je suis, dans mon poste, et continuer à écrire dans mon temps libre. Je reste en consolidation de ma nouvelle situation de vie, et j'ai encore un peu de temps devant moi avant de commencer à m'y sentir à l'étroit.

Je dois continuer la pratique : les mots continuent à m'apporter beaucoup, et je vois leur impact direct dans mes relations. Il vaut mieux écrire 10 minutes chaque jour, que 60 minutes chaque samedi, c'est le plus important à garder en tête pour avancer sur le long-terme.
Je dois réussir à passer le cap et écrire pour moi, quand quelque chose me donne envie de le faire, et retrouver la capacité à jouer, à faire simplement.
Ce qui est intéressant, c'est que le fait d'écrire est installé, maintenant. Ça fait partie de moi.

J'aimerais lire plus : je vois ma Revue littéraire 2025 | Existential Chris et comment mes lectures se sont entremêlées à ma vie pour la nourrir, sont même révélatrices de mes états intimes. Elles sont riches et m'apportent beaucoup intérieurement.
Ce n'est pas le cas d'Internet et toute la lie YouTube et Twitch sur lesquelles je passe encore beaucoup de temps, trop à mon sens, pour ce que ça m'apporte. Ce n'est ni un bon divertissement, ni une source d'inspiration : c'est juste addictif. J'ai passé une semaine sans rien, et la vie semblait étrangement paisible. Les mots viennent tout seul quand on leur laisse l'espace. C'est une expérience qui me fait réfléchir, et je sais que je vais tendre vers ça. Pour moi-même, et pour mieux écrire.

J'ai besoin de rencontrer du monde, de trouver une activité ou un milieu qui me permette de passer mon énergie quelque part.
Je dois continuer à être, et à augmenter le volume : j'ai besoin de trouver comment cracher du magma sans brûler, et c'est une intensité difficile à régler. J'ai l'impression qu'il faudra constamment ajuster le critère, ce que je ne souhaite pas pour moi-même.

De grands questionnements sur la place de l'argent dans ma vie : je suis passé d'un travail corporate très bien payé mais horrible, à un travail dans la fonction publique très mal payé mais super, dans lequel je suis apprécié et où l'on s'efforce de me valoriser et de me garder.
C'est bien d'aimer son travail, mais l'argent permet tout. Je pense commencer à regarder passivement si des offres apparaissent et pourraient me correspondre, pour chercher un compromis mieux ajusté.

Jusqu'à présent, le temps qui passe a toujours amené avec lui de la tranquillité et de l'équilibre dans ma vie. J'aime vieillir, et la direction que ma vie prend. Je me bats toujours avec la culpabilité d'être comme je suis, parce que je pourrais être plus, je pourrais être mieux, je devrais être là : au moins, le décalage avec le monde s'estompe avec le temps. Mes grands principes ont fondu comme neige au soleil, et ce qui semblait la plus haute vertu ressemble maintenant à une certaine immaturité temporaire, le temps que l'esprit mûrisse.

J'ai besoin de rester en vie le temps de finir d'écrire cette histoire : pour autant, ça ne me donne pas envie d'aller plus vite et la fainéantise ordinaire me fait toujours sourire parce qu'elle me rappelle que je prends la vie trop au sérieux. Je n'arrive pas encore à rire de ce que je veux vraiment et que je n'aurais peut-être jamais : j'ai l'impression que ça serait manquer de respect à mes désirs, mais je sais que ça viendra, comme le reste. Le temps m'érodera peu à peu, je commencerai à sourire, et le rire que la vie aura voulu pour moi jaillira de lui-même. C'est tout ce que je me souhaite.

Une poésie de fin

Quelques mots écrit sur une plage à Marseille cet été, à regarder le soleil se coucher.

Et juste comme ça
La vie s'est produite
Sous mes yeux.

Ça n'est pas très bon mais c'est comme ça : c'est la vie.

J'avais aussi :

Peut-être que c'était les nuages,
Mais en me levant ce matin
J'avais l'impression qu'il n'y avait qu'elle
Qui pouvait me consoler.

Dicté en 10 secondes, qu'on peut intellectualiser avec un gros cigare en disant "Mais tu sais, "Elle" peut représenter une infinité d'émotion", alors que j'ai tapé ça purement pour le style, c'est creux au possible.

Mais c'est joli, quand même.